Sacha R. Madstolker

A peine avait-il passé le pas de la porte qu'elle s'était jetée dans ses bras. Elle, c'était Fanny Madstolker. Grande créatrice de robes, mère biologique de deux filles et adoptive de Sacha. Seulement, contrairement à d'habitude, ses yeux bleus inondés par les larmes étaient devenus plus vitreux encore. Son regard était vide de tout sens, son teint faisait peine à voir. Devenue blanche comme un linge, des cernes affreuses, signe de plusieurs nuits sans trouver le sommeil, la rendaient effrayante. Une rivière de larmes ne cessait de glisser le long de ses joues, alors qu'elle s'accrochait au t-shirt rouge de son fils.

- Oh Reol... Mon enfant, mon tendre enfant...

Sacha Madstolker, Reol de son deuxième prénom. Actuellement étudiant à Xényla dans la classe des Origines, avait son regard écarlate posé sur la femme qui l'avait adopté avec son mari, cette femme qui soudainement lui paraissait fragile et tellement faible. Elle n'était ni maquillée, ni ne portait un de ses vêtements sur-mesure au prix exorbitant. Emmitouflée dans un peignoir blanc, les cheveux décoiffés, elle lui faisait presque pitié.

Levant un sourcil peu convaincu, il vit apparaître à l'entrée du salon une des jumelles de la femme. Lisie, étrangement silencieuse, son regard noisette tout aussi désespéré que celui de sa génitrice. Plus affolant encore, elle n'était pas suivi de sa sœur Mizie. Le jeune homme n'avait pas l'habitude d'avoir la mère dans les pattes, d'ailleurs celle-ci agrippa un peu plus le noiraud alors qu'elle reniflait. Puis à bout de patience il avait fini par poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Je peux savoir c'qui se passe ?

Retenant très mal un sanglot, Fanny s'était mise à défaillir. Ses jambes ne la tenaient plus. Le jeune homme n'avait eu d'autre choix que de la retenir en l'encerclant de ses bras. Il l'aida en quelque sorte à terminer délicatement sa chute au sol. Entourant son cou de ses deux bras fins, madame Madstolker lâcha un sanglot contre l'épaule de son fils.

Jamais. Jamais dans sa vie il ne l'avait vue ainsi. Elle avait toujours été si pimpante, sur ses talons hauts et dans ses vêtements de haut de gamme. Il ne connaissait pas ce côté.

- Mizie... Mizie a d-dispa-... Seigneur... Rendez-moi ma fille... Où est-elle... ? Où..?!

Et elle replongeait dans les pleurs, tandis que le peu d'informations qu'elle avait laissé montaient au cerveau du ténébreux. Il lança un regard à sa sœur qui elle détourna ses yeux tristes. Comme à son habitude, il amena sa main à ses cheveux sombres. Où pouvait bien être l'autre con alors même que sa famille sombrait dans le désespoir ? Qu'y avait-il de plus important que sa femme au bord du gouffre seule avec une de ses filles, l'autre semblant avoir totalement disparu? Sacha se demandait bien ce qui avait encore empêché Jurian Madstolker de rester et de prendre son rôle de chef de famille au sérieux.

Néanmoins, quand bien même il sentait la colère l'envahir vis-à-vis de son "père" adoptif, il souffla un coup et se radoucit. Doucement, il passa une main réconfortante dans le dos de sa mère adoptive, la serrant un peu plus contre lui. De sa seconde main il caressa lentement ses cheveux décoiffés qu'elle avait teint en châtain cendré. Pendant de longues secondes, de longues minutes, ils étaient restés ainsi au milieu du couloir de l'immense demeure. Seuls les pleurs de la brune retentissaient brisant le silence pesant qui s'installait de temps à autre.

Elle se calmait puis ses larmes reprenaient de plus belles. Et pourtant, malgré le temps qui s'écoulait devenant toujours plus long, Sacha ne disait mot, gardant contre son torse la femme.

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Il était 23h quand la fille des Madstolker  referma la porte de la grande chambre de ses parents. Dans un soupir, elle resta à observer la poignée de couleur or. Le père de celle-ci n'était une fois de plus pas présent, il avait beau appeler chaque jour pour prendre des nouvelles, il ne semblait pas plus concerné que cela par la disparition de l'une de ses filles. Disparition qui devait pour sûr être un enlèvement. Et pourtant, alors que Fanny Madstolker s'arrachait les cheveux en pleurant toujours plus alors qu'elle n'avait même plus de larmes à verser, Jurian Madstolker était trop occupé par son travail, loin de son foyer.

- Depuis combien de temps ça dure? Questionna alors le ténébreux.

Adossé contre le mur sur la droite de la porte, Sacha, les bras croisés, observait un point invisible droit devant lui. Son regard écarlate était devenu dur, sérieux et froid. Madame Madstolker avait pleuré pendant tellement longtemps qu'elle avait fini par s'endormir. Alors il l'avait emmenée à son lit et avait laissé sa sœur se charger de la suite tandis qu'il était parti prendre une douche mettant au passage son t-shirt trempé par les larmes de sa mère au lavage.

- Un peu plus d'une semaine... Avait fini par répondre Lisie.

Étrangement lorsque cette dernière déposa doucement sa tête contre son bras gauche, il ne fit pas un geste et resta silencieux. Les jours étaient passés un à un et l'autre con qui lui servait de père n'était pas foutu de rentrer. L'Origine se sentait impuissant fasse à cette situation : lui qui d'habitude tentait de fuir les Madstolker, il s'était retrouvé à prendre soin des deux femmes présentes dans la demeure. Il s'était alors promis que dès le retour de l'autre salaud, il se chargerait de lui mettre un poing dans la gueule.

En attendant, l'étudiant ne dormait plus aux dortoirs de Xényla. Chaque soir il rentrait, chaque soir il s'assurait que Fanny et Lisie ne manquaient de rien. Il ne changeait pas totalement ses habitudes, il ne s'était pas mis à faire de la distribution d'affection à tout va. Non, il demandait si elles avaient bien dormi, lorsqu'il sortait il demandait si l'une ou l'autre avait besoin de quelque chose, etc... Il prenait soin d'elles, à sa façon.

Puis un soir en rentrant des cours, il avait remarqué une voiture devant la demeure des Madstolker. En ouvrant la porte du foyer, il vit des valises posées dans le grand couloir. Et alors il avait compris. Jurian Madstolker était enfin rentré. On ne l'attendait plus. Sourcils froncés, Sacha retira ses chaussures et évita le salon. S'il voyait la sale gueule de l'hybride, il lui exploserait la tronche et l'Unique seul savait qu'il ne s'arrêterait pas à un simple coup de poing.

Il s'était alors enfermé dans sa chambre et quand on vint frapper à sa porte, il se leva et alla ouvrir, tombant nez à nez avec l'unique jumelle restante. Il était sur le point de refermer en lâchant un « J'ai pas faim » mais la demoiselle l'en empêcha en le tirant par le bras, lui assurant que c'était une urgence et qu'il devait absolument venir avec elle.

Sacha l'avait donc suivi, non sans passer sa main dans ses cheveux noirs tout en laissant un soupir s'échapper d'entre ses lèvres.

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- Fanny, par l'Unique peux-tu comprendre que je ne peux rien faire de plus ?!

S'agrippant au bras de son époux la dénommée Fanny ne cessa d'insister.

- Tu as bien dû trouver quelque chose non? Jurian, tu ne peux pas rester ainsi alors que ta fille a disparu ! Par l'Unique, fais quelque chose !

Retirant son bras de la poigne de sa femme, l'hybride ours kodiak fronça les sourcils et devint alors menaçant.

- Je ne peux rien faire de plus et je suis occupé par le travail. Alors sois patiente et cesse de pleurer !

Sa voix résonna comme un grondement de tonnerre, mais cela n'avait pas empêché la brune d'en ajouter une couche. Elle était prête à tout pour récupérer sa fille, elle voulait connaître le nom de ceux qui la lui avaient enlevée.

- N'as-tu donc aucun cœur? Travail, travail, tu n'as que ce mot à la bouche ! Ne te soucies-tu pas de ta propre fille?!

Pour le chef de famille ça avait été la phrase de trop. Instinctivement il leva sa main droite prêt à donner une correction à cette femme indigne. Lorsque sa main partit, elle ferma les yeux attendant l'impact contre sa joue qui la ferait vaciller et alors, elle tomberait portant sa main gauche à sa joue rougie par la violence du coup. Seulement, rien n'arriva. Elle releva plutôt ses paupières laissant apparaître ses deux yeux à la limite du transparent et fut bien surprise de voir Reol, retenant la main du père. Une fois n'était pas coutume, les larmes envahirent son regard.

- T'es vraiment le pire des enculés quand même.

Plantant son regard écarlate dans celui marron de Jurian Madstolker, Sacha resserra sa prise sur le poignet du brun. Le geste qu'il s'apprêtait à porter sur sa femme avait coupé toute envie au mentaliste de rester calme. Sans compter qu'il avait le sang chaud, il se sentait prêt à laisser partir son poing n'importe quand. Autant dire que ça le démangeait presque de ne pas pouvoir le laisser dire bonjour à sa mâchoire.

- Tu les laisses seules et en plus tu es prêt à lever la main sur une femme. Quel genre de salaud t'es sérieux ?

- Je te prierai de rester à ta place, petit insolent. Je n'ai de leçon à recevoir de personne et sûrement pas d'un fils aussi indigne que toi.

Il ne tarda pas à retirer son poignet de la main de son fils, le fusillant du regard. Sacha, lui, aurait bien éclaté de rire. Fils. Fils indigne. Les deux Bermudiens n'avaient jamais eu de bonnes relations, l'un détestait qu'on lui réponde et l'autre ne se laissait pas marcher dessus. Autant dire qu'entre eux ça avait toujours été la guerre.

- Écarte-toi. avait repris le chef de famille.

Bien évidemment, Sacha n'avait pas hésité avant de se placer en évidence devant Fanny.

- Me pousser pour que tu t'en prennes  à plus faible que toi? T'as toujours pas capté que peu importe c'que tu diras je refuserai de me plier à tes ordres.

Soudainement fatigué de supporter tout cela, le brun avait fini par craquer et s'était transformé en ours. Il n'avait pas l'habitude de cette forme et porté par ce surplus de fatigue, ses sentiments et son instinct animal, il avait dépassé ses limites. Pourtant, même sous cette forme, le mentaliste resta planté devant lui sans baisser le regard une seule fois.  S'accrochant alors à son t-shirt la nymphe brune attira l'attention du noiraud qui s'était retourné.

- Reol recule, je vais lui parler et tout s'arrangera !

Serrant ses poings, l'Origine pesta. Et avait refusé de se laisser piétiner ainsi. Bien évidemment, le coup qui devait partir plus tôt avait fini par arriver, non pas sur la joue de Fanny Madstolker, mais dans le dos de l'étudiant qui n'avait pu retenir un cri de douleur sous le regard terrifié des deux Bermudiennes. Ce hurlement avait entraîné celui de la maîtresse de maison qui fit reculer Jurian Madstolker. Le son d'horreur qui s'était échappé des lèvres de sa femme le ramena peu à peu à la raison et au bout de quelques longues et interminables minutes il avait fini par se dé-transformer.

Tandis que Lisie avait senti ses jambes l'abandonner depuis l'entrée du salon, madame Madstolker, elle, s'était retrouvée hors d'elle. Alors qu'elle était sur le point d'éclater de colère, son époux s'avança. La sœur du jeune homme s'était rapidement ressaisie et était partie chercher de quoi soigner le dos de son frère. Ce dernier sentit alors une main sûre se poser sur son épaule. Il n'y avait pas de doute sur le propriétaire de cette main.

- Hm... Reol mon fils tu vas bien?

Cette question totalement stupide acheva le dénommé Reol. Se foutait-il de lui? Il venait de lui arracher le dos et il osait demander si ça allait? En plus de ça il l'appelait "mon fils" ? C'était l'hôpital qui se foutait de la charité !

- Tu aurais pu le tuer ! Tu n'es qu'un pauvre fou Jurian ! Tu m'entends ?! Un fou ! Comment as-tu pu t'en prendre à lui ?! Perdre une de tes filles ne t'a donc pas suffi ?!

Le visage du brun s'était alors décomposé, jamais il n'avait voulu blesser qui que ce soit. Il avait perdu le contrôle, son instinct avait pris le dessus et maintenant il s'en voulait.

« Pas de quoi en faire un plat »

Cette dernière réflexion fut la goutte qui fit déborder le vase. Dans ses dernières forces, Sacha écrasa son poing en plein dans la tête du chef de famille qui tomba à terre. Le ténébreux au regard écarlate se releva et tout en foudroyant du regard l'hybride, il s'en alla en direction de la salle de bain afin de se soigner lui-même par il ne savait quel moyen.

Alors qu'il repartait il avait croisé Lisie qui revenait avec une trousse de soin et surtout, la phrase ultime de Fanny Madstolker :

- Je t'interdis de toucher à un seul de mes enfants tu m'entends ?! Je t'interdis de leur faire du mal ! Quand bien même je ne suis pas sa véritable mère je t'interdis de toucher à un seul de ses cheveux !


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Refermant la porte de sa chambre, Sacha commença par retirer ce qu'il restait de son haut. D'un geste simple, il le jeta dans la poubelle rouge de la pièce. Rejoignant la salle de bain de sa chambre, il pût observer la blessure dans son dos. Cinq traces droites traversaient sa peau rougie et ensanglantée. Et alors qu'il constatait les dégâts, il se sentit étrange. En quelques jours il avait découvert une nouvelle facette de sa famille adoptive. Fanny Madstolker pouvait être une femme pimpante et sûre d'elle mais aussi fragile, aimante, touchée et concernée plus que tout par le sort de ses enfants.

Ses enfants.

Il en faisait partie, elle le considérait comme son propre fils. Étrangement, ça ne le laissait pas indifférent. C'était comme si soudainement il la considérait à part entière comme sa mère. Cette mère qu'il protégerait et qui en retour le défendrait.