Miranda Malatesta • I'm a Barbie girl in the Barbie world ~

Quelqu’un peut-il m’expliquer ce que je suis en train de faire au juste ? Parce que soudain, j’ai un doute. Moi, Miranda Malatesta, ayant sauté le CP et la 5ème, professeur de Mise en Pratique des Dons dans le réputé lycée Xényla depuis 3 ans, je me tiens devant une vulgaire machine à café. Et même pas pour moi, non, pour mes collègues. Mes charmants collègues même pas fichus de lever leur cul de leur chaise pour aller se servir. Je le sais pourtant, que je ne suis qu’une nouvelle employée qui vient tout juste d’obtenir un poste à Khan Experiments, que je ne donnerai pas de grandes conférences devant 100 000 personnes tout de suite. Mais quand même. Se servir de moi pour être la bonne à tout faire, c’est dur voire violent. Si mes collègues du lycée viennent à être au courant, ils me railleront sans aucun doute. Je vois déjà le sourire narquois de Kristal avec sa sale tête de jeune femme négligée qui prend du plaisir à me voir rabaissée. Ah, celle là, si je pouvais me la farcir un jour, j’en serais ravie.

En soupirant, je m’adosse au mur et regarde mon téléphone en espérant voir s’afficher un message d’Alexei. Rien. Ça a tendance à m’agacer ça. Même si il a cours et qu’il est occupé, il pourrait au moins prendre la peine dans m’envoyer un petit mot pour savoir si je vais bien, si tout se passe comme il faut. Si personne ne me traite comme une esclave. Mais non, Monsieur est bien trop concentré sur son travail pour penser à moi une seule seconde. Je sais que j’ai promis de faire des efforts, de contrôler mes nerfs pour éviter une rupture supplémentaire mais quand même. Il est actuellement seul avec Kristal dans le même endroit. Il a beau essayer me rassurer sur le fait qu’elle ne l’intéresse pas, parfois, mon cœur se sert à l’idée qu’elle puisse me le prendre. Cette garce est capable de tout, je le sais, je le sens.

Ah, il faut que je me reprenne un peu. Je ne suis pas n’importe qui non plus, il ne faut pas que je m’abaisse au même rang que cette infirmière de première. Même si j’ai été déshéritée, je reste tout de même de la famille Malatesta, la plus riche et la plus connue de l’Ousivon après le clan des Gonzales. Certes, nous nous sommes fait connaître par cette « malédiction » qui a fait qu’aucune fille n’est née dans la famille avant mes sœurs et moi. Mais tout de même, nous ne restons pas n’importe qui. La bourgeoisie c’est autre chose que la plèbe ambulante. Je soupire de nouveau en repensant à ma famille et attrape une chaise pour me poser. À chaque fois que j’y pense, ça a le don de me miner le moral. Je ne sais pas comment on peut être aussi con.

Je m’explique : mon père épouse une femme qui lui donne 2 garçons avant de mourir. Jusque là, tout va bien. Il en épouse une autre qui finit par lui donner des triplettes, les premières filles de la famille. Joie immédiate, grandes célébrations, là encore, tout est parfait. Mais à aucun moment quelqu’un n’a remarqué l’acharnement dont faisaient preuve Lorenzo et Chad, nos grand-frères, envers nous. Personne n’a vu tout ce qu’ils nous ont fait subir. Et après, ils osent me dire que je suis un monstre parce que je défigure à l’acide le visage de ce crétin de Lorenzo ? Ils osent m’envoyer dans un pensionnat pour enfants dangereux sans rien comprendre des causes de l’accident ? Sérieusement, comment peut-on rester calme devant une telle injustice ? Heureusement pour eux, j’y ai bien vécu, sinon j’aurai attenté un procès.

En soupirant de nouveau – je songe à tenir un livret du nombre de soupirs que je fais en une journée, je suis sûre que ça prouvera à quel point je m’ennuie – je récupère la dernière tasse de café dont j’ai besoin et attrape le plateau pour faire le tour des bureaux. Sur le chemin, je ne peux, encore une fois, pas m’empêcher de me souvenir de ma position. Je suis tout de même professeur dans un prestigieux lycée privé où je gère l’une des classes en plus de certaines facettes de l’établissement avec mon collègue Jun. Et j’ai publié un livre. Bon, il est vrai que je ne suis qu’une co-auteur et même pas l’instigatrice de la recherche mais j’en ai fait parti. C’est même ce qui m’a permis d’être prise comme « chercheuse en pouvoirs » dans ce grand laboratoire. Bref. Tout ça pour dire que je ne suis vraiment, mais alors vraiment, pas une serveuse de cafés.

Lorsque enfin j’ai terminé mon service, je me retire dans mon bureau pour trouver un peu de tranquillité. Il n’est pas bien grand mais il est vite devenu mon cocon. Là aussi, comme au lycée, on y retrouve une photo de Sekai et Alexei et une autre de Maria et moi. Ah Maria. Mon cher cousin, chaque jour qui passe me fait sentir un peu plus mal à son égard. Quel genre de famille enferme son propre cousin dans un hôpital psychiatrique ? Nous qui nous nous plaignions des Leowdaeg-Malatesta, j’ai fini par faire pire qu’eux. Bien qu’il ne me le fasse jamais remarquer pendant nos rencontres, je sais qu’il m’en veut ; comment cela pourrait-il être autrement ? Mais je ne peux me résoudre à l’abandonner à jamais, à ne pas effectuer ma visite de la semaine. Il était mon plus proche ami et mon confident, le laisser serait juste une preuve supplémentaire de ma lâcheté. Je n’ai jamais réussi à croire en lui alors même que l’enquête ne s’était pas penchée sur son cas. Non vraiment, même si je dois faire face à mes remords et les siens jusqu’à la fin de ma vie, je ferais ma visite hebdomadaire.